La Suisse peut se flatter de posséder un nombre respectable d’incroyables châteaux, manoirs et demeures de maitres qui furent construits et habités par de grand seigneurs des siècles durant. Entouré d’un vignoble et d’un parc de 27 hectares surplombant Vevey et le lac Léman, le Château d’Hauteville bénéficie d’une vue spectaculaire et s’inscrit toujours aujourd’hui parmi les plus beaux domaines du pays.
Du temps des Romains, le site était nommé Altavilla. Des fouilles au commencement du XIXe siècle révélèrent le tombeau d’un soldat romain dont des armes et bijoux en bronze furent découverts avant d’être donnés au Musée de Lausanne. D’autres pièces sont restées au château comme un bracelet et une ceinture en bronze portant une étiquette manuscrite « trouvé à Hauteville en 1808 » (lot 678).
Au XIlle siècle, St-Légier, La Chiésaz et Hauteville appartenaient à la seigneurie immédiate de Blonay. Suite à certaines difficultés financières, Jean de Blonay la céda au comte Amédée V de Savoie pour la reprendre à titre de fief en 1300. Divers propriétaires se sont ensuite succédés jusqu’en 1734, année d’acquisition du domaine par Jacques-Philippe d’Herwarth, patricien d’Augsbourg et bourgeois de Vevey. En 1760, celui-ci vendit à Pierre-Philippe Cannac, banquier à Lyon, la baronnie de St-Légier-la Chiésaz et la seigneurie d’Hauteville avec tous leurs droits (lot 355).
Portrait de Pierre Philippe Cannac
Adjugé : CHF 55 000
Originaire de France - de Lacaune, dans le diocèse de Castres -, Philippe Cannac (1672-1750), d’une famille de banquier huguenot, quitte le pays après la révocation de l’Edit de Nantes pour se réfugier en Suisse. Son fils Pierre-Philippe (1705-1785) né à Vevey, prend la succession des affaires familiales à Lyon et amasse une fortune assez considérable. Il décide d’agrandir, d’embellir et de moderniser le château.
En 1768, il est élevé au titre de baron du Saint Empire Romain Germanique par l’empereur Joseph II.
Habit à la française
3 pièces en soie noire
Adjugé : CHF 12 000
Daniel était d’une famille de banquiers influents en Europe. Son père Rodolphe-Ferdinand Grand (1726-1794) et son oncle Isaac-Jean-Georges Grand (1716-1793), anoblis par Louis XVI en 1781, étaient d’importants financiers à Paris (lots 328, 1096), son père était co-fondateur de la Caisse d’Escompte (qui deviendra la Banque de France), son oncle fondateur d’une société secrète à Paris qui deviendra peu après le Club des Jacobins (lot 174), ils ont aussi participé au financement de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique… Un inventaire de 1798 montre que l’hôtel particulier de Rodolphe-Ferdinand à Paris était des plus raffinés, avec des meubles rares parmi lesquels les lots 900 et 901 nous sont parvenus.
Trésorier du roi de France à Amsterdam et banquier de la Cour de Suède, Daniel Grand d’Hauteville est décoré du prestigieux Ordre de Vasa et de l’Ordre du Lys (lot 1112).
Avec sa femme Victoire, il entreprend d’importants travaux de rénovations à Hauteville et construit notamment les serres vers 1810. La construction du temple (voir illustration en 3e de couverture) a été celui des travaux qui a le plus passionné Daniel et Victoire (lots 56, 356, 396, 699).
Drapeau confédéré double face -1861
Adjugé : CHF 45 000
La mode des voyages en Italie n’épargne pas la famille Grand d’Hauteville au XIXe siècle et plusieurs livres et objets témoignent de leurs pérégrinations du « Grand Tour » et lots 386, 677, 1221, 3081…
Les mariages qui se sont succédés au château ont permis de compter aussi parmi les illustres membres de la lignée Grand d’Hauteville des héros de l’Histoire américaine, descendants du Trône de France et apparaissant tant dans la Seconde Guerre d’Indépendance que dans la Guerre de Sécession. La médaille d’or du général Alexander Macomb (lot 1052) et le drapeau confédéré (lot 1080), prise de guerre ramenée par Frederic Sears ler Grand d’Hauteville, sont les plus prestigieux de ces souvenirs militaires américains.
Les héritiers actuels ont décidé de tourner la page et espèrent qu’objets et immeubles trouvent de nouveaux propriétaires passionnés qui les fassent revivre. Néanmoins ils ont pris soin de conserver le fil de leur histoire. Ils ont déjà effectués de très importants et généreux dons à des institutions publiques: le Musée du jeux de la Tour-de-Peilz a reçut une centaine de jouets retraçant la vie enfantine à Hauteville aux XVIII et XIXe siècles, les portraits de famille sont quant à eux donnés au Musée national suisse.
Le Martyr des Saints-Pierre & Paul
Plat rond en majolique, 1544
Adjugé : CHF 28 000
Ce sont les recherches effectuées dans ces archives par les spécialistes de l’Hôtel des Ventes ainsi que le livre de Frederic Sears Grand d’Hauteville II, Le Château d’Hauteville et la baronnie de St-Légier et la Chiésaz paru en 1932, qui ont principalement permis de documenter le présent catalogue.
Durant 250 ans, cette grande famille a fait preuve de goût et de raffinement, s’entourant de mobilier, tableaux, argenterie, objets de vitrine, porcelaine, montres, bijoux, et tant d’autres pièces de qualité. Celles-ci faisaient partie de la vie quotidienne de ces châtelains amateurs et amoureux du Beau, avant de retrouver un souffle nouveau.
Tous les objets présentés ici ont un point commun : leur lien, pratique ou émotionnel, avec les membres de la famille. Pour preuve l’argenterie et toutes ces pièces de choix gravées aux armes Cannac ou Grand d’Hauteville, cette collection de costumes anciens illustrant près de 150 d’histoire de la mode… sans parler de tous les autres objets qui rythment ce catalogue et qui ont été découverts au grenier, extraits de malles de voyages, associés à des archives centenaires…
Hauteville, à l’époque des Herwarth, qui l’avaient pourtant rénové et meublé «à la dernière mode» sous Louis XV, ne suffisait pas à l’ambition de son nouveau propriétaire.
Celui-ci mandata un jeune architecte lyonnais, Donat Cochet, pour réaliser les plans d’un château à la française qui pourrait accueilli sa grande famille, il s’adressa a des ouvriers veveysans tant pour la construction que pour le façonnage des boiseries ou des ferronneries. Le corps de logis, dont le grand salon de 7 mètres de hauteur de plafond et entièrement couvert de fresques peintes par les frères Petrini de Lugano, « modernisé » par Herwarth, fut englobé tel quel dans le bâtiment et devint l’aile du midi. Les prisons qui dataient probablement de la création de la Seigneurie furent utilisées comme caves.
Vers 1767 les travaux prennent fin et le château trouve son aspect d’aujourd’hui, avec deux ailes se terminant par des pavillons et ses façades à l’italienne*. La construction coûta si cher que le châtelain brûla tous ses comptes pour ne plus y penser… Un plan fait en 1778 montre le domaine après les transformations de Pierre-Philippe (lot 359).
Pierre-Philippe Cannac meurt en 1785 et laisse le domaine à son fils ainé, M. de St-Légier. Sa petite fille, Anne-Philippine-Victoire épouse Daniel Grand de la Chaise (1761-1828) et hérite du domaine en 1794. C’est à ce moment que le jeune couple décide de prendre le nom de Grand d’ Hauteville.
Commode d’époque Louis XVI
Adjugé : CHF 130 000
Il prend soin de la bibliothèque héritée des Cannac et la complète. Comme beaucoup de ses contemporains, Daniel s’intéresse à la terre et organise une gestion rationnelle du domaine: il s’intéresse à l’agriculture (lots 19, 105, 108, 117, 135, 138, 141, 144,…), à la botanique (lots 110, 111, 112, 113, 134) et à toutes formes d’élevage dans la continuité des centres d’intérêt des Cannac: apiculture (lots 109 et 143), vers à soie, (lots 142, 1122), les moutons et leur laine (lot 118), etc.
Au début du XIXe siècle, sous l’impulsion de Daniel et Victoire, le château d’Hauteville devint un lieu de société et d’attractions mondaines, des visiteurs illustres du paysage diplomatique et du monde couronné y étaient reçus, des bals et des soirées théâtrales s’y tenaient (se reporter à la 144): de nombreux habits, accessoires et décors nous sont parvenus dans un état presque parfait (lots 463 à 469). Les fêtes qui accompagnèrent le mariage de leur fille Aimée en 1811 durèrent une semaine et laissèrent d’inoubliables souvenirs dans le pays (lot 389, 1233).
Médaille en Or
en l’honneur du Major Général Alexander Macomb
Adjugé : CHF 185 000
L’histoire du château d’Hauteville ne se limite pas à son contenu mis à l’encan en septembre 2015.
La famille a toujours conservé ses archives avec grand soin. Ce riche fonds qui comprend des milliers de documents datant de l’an 1300 à 1948, est actuellement déposé aux archives cantonales vaudoises, il dresse l’histoire de la famille et de ses branches alliées, comprend de nombreux inventaires dressés lors des décès ou des mariages, les prouesses militaires des officiers de la famille, les visites des hôtes célèbres, etc. Ces archives ont été mis en ordre au début du XXe siècle par Frederic Sears Grand d’Hauteville II (1873-1944) qui a décidé de publier un ouvrage destiné à ses descendant.
Garniture de cheminée
Style Louis XVI, XIXe s.
Adjugé : CHF 19 000
Depuis 1760, le château d’Hauteville appartient successivement à 11 générations de cette prestigieuse famille qui ont accumulé tous leurs souvenirs. L’Hôtel des Ventes a l’honneur de présenter ces incroyables collections jamais dévoilées au public…jusqu’à ce jour.
La bibliothèque du château d’Hauteville comprend quelque 4000 volumes regroupés en 340 lots de livres des XVIe au XXe siècle, avec une grande
majorité d’ouvrages des XVIIIe et XIXe s. Tous les ouvrages portent sur le premier contreplat une étiquette ou un ex-libris les reliant à l’histoire du château d’Hauteville.
L’ex-libris « Cannac » orne la plupart des ouvrages ayant permis une gestion du domaine d’Hauteville de maniére économiquement autonome : ouvrages d’agriculture spécialisés, sur la culture de la vigne, l’apiculture, la sériculture et l’économie rurale en général. Il provient de Pierre-Philippe Cannac, premier popriétaire du château et aÏeul des propriétaires actuels. Les ex-libris « Grand d’Hauteville » et « Bibliothèque du château d’Hauteville » ont été apposés sur des ouvrages anciens et sur la plupart des livres de voyage, rappelant le vif intérét de la famille Grand d’Hauteville pour la découverte des pays étrangers et leurs multiples connexions en Europe et aux Etats-Unis.
La bibliothèque a subi quelques déménagements à l’intérieur mâme du château au fil des anneées. Elle a été notamment disposée longtemps dans une large piéce de l’aile droite où la lumiére, trop vive, a provoqué l’insolation de nombreux dos. Elle n’a trouvé sa place actuelle dans le couloir du bâtiment principal que tardivement, au milieu du XXe siècle.
Le grand intérét de l’ensemble de cette bibliothèque réside dans le fait que les ouvrages ont été acquis au fil des siècles par les propriétaires du château et ont toujours été conservés dans leur intégralité. Les ouvrages sont généralement tous complets de leurs planches gravées et de leurs atlas quand il s’agit de livres de voyage. Leur intérieur est généralement frais et propre, les rousseurs plutôt rares du fait de l’emplacement ventilé de la bibliothèque. Ils nous font parcourir deux siècles de l’histoire du château, avec de nombreuses références à l’histoire suisse aux XVIIIe et XIXe s., et en particulier à celle de la région veveysane et de l’arc lémanique.