Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804), Cheval à l'arrêt tenu par un palefrenier, deux orientaux à droite, pierre noire, plume et encre brune, lavis brun sur papier, signé "Dom Tiepolo f" et numéroté "38", 21x29 cm
Exposition: Paris, Galerie Calleux, Tiepolo et Guardi, novembre 1952, no. 62
Cette œuvre fait partie d'une série de dessins intitulée par James Byam Shaw les "Chevaux orientaux" (The Drawings of Domenico Tiepolo, Londres, 1962, p.40-41). Des feuilles de ce groupe sont, par exemple, conservées au Metropolitan Museum et aux Offices. Plusieurs dessins de la série portent, comme celui-ci, une numérotation en haut à gauche. Le plus haut numéro connu semble être "69" (New York, Metropolitan Museum, inv. 35.42.1, le numéro "67" est passé en vente à Christie's, New York, 12 janvier 1995, lot 56).
Jean-Marc Nattier (1685-1766), Madame Adélaïde sous la figure de Diane, pierre noire et craie sur papier brun (originalement bleu?), 27x42 cm
Jean-Marc Nattier (1685-1766), Madame Henriette sous la figure de Flore, pierre noire et craie sur papier brun (originellement bleu?), 27x42 cm
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), "Poissons sur une feuille verte", v.1914-19, huile sur toile, tampon Renoir (L.2137b), 18x30 cm
Provenance: Succession Renoir; Collection privée française; Collection Mr Arturo Bottello, Turin, années 1970; Collection privée suisse, depuis 2015Thésée, arrêté par une crue du fleuve Achéloos, est reçu avec ses compagnons de voyage par le dieu du fleuve. Ici, la représentation se rapproche de la tradition flamande où l’hôte reçoit ses invités dans sa grotte, tous assis autour d’une table nappée de blanc et servis d’un festin porté par des nymphes dans une vaisselle luxuriante. D’après la légende, après le banquet, Thésée demande à Achéloos de lui parler des îles du fleuve habitées par les naïdes. Le dieu Achéloos est représenté au centre de la composition en homme grisonnant pointant du doigt les îles de son récit au jeune Thésée assis à sa droite. Ses compagnons les plus proches, Pirithous et Lélex, écoutent le récit avec attention.
Cette œuvre de grandes dimensions, est un travail ambitieux qui est probablement le fruit d’une collaboration. Les artistes nous offrent une version fastueuse de la scène et sa beauté est liée à l’exubérance des détails ornementaux d’une minutie extrême et d’une très grande diversité, comme les coquillages tapissant le sol et les multiples variétés d’animaux perchés sur les murs de la grotte.
Les figures, particulièrement expressives, y sont nombreuses et d’inspiration rubénienne par leur force et leur mouvement. D’ailleurs, une version du Banquet d’Achéloos aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York, issu du fruit de la collaboration entre Rubens et Jan Brueghel I, est la version connue la plus approchante du présent tableau : la composition, notamment l’ouverture sur fond marin côté droit, ainsi que la voûte l’arche formée par la grotte y sont très proches. En outre, coquillages, crustacés, coraux, animaux terrestres et marins font indéniablement référence aux tableaux de Jan Brueghel I. En effet, les références au maître y sont nombreuses. Parmi celles-ci, on peut évoquer le groupe de chiens presque identique au tableau Paysage boisé avec nymphes, chiens et butin de chasse (Anne T. Woollett, Ariane van Suchtelen, Rubens & Brueghel, a working friendship, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2006, Fig. 68, ill. p. 114) ou encore les cors de chasse en arrière plan traités à l’identique dans de nombreuses œuvres de Jan Brueghel I.
Une perspective discrète et détaillée s’ouvre sur le côté gauche vers le fond de la grotte où une cuisinière épiée par un chat s’affaire en cuisine. Cette scène à part entière est probablement un choix de l’artiste inédit pour le sujet. Cette ouverture s’observe également dans une œuvre éponyme d’Adrien van Stalbemt (Vente Christie’s Londres, 11 juillet 2001, Lot. 10), toutefois de manière beaucoup moins riche en détails. Une autre version du même sujet par Stalbemt (Vente Sotheby’s Londres, 6 juillet 2006, Lot. 118), possède également des éléments comparables notamment dans la position de l’homme assis au premier plan, d’une nymphe et du personnage sortant des flots. Ces deux versions proposent néanmoins des interprétations beaucoup plus épurées aussi bien dans les décors naturels, que les objets ornementaux ou l’expressivité des figures. La scène se termine sur la droite par un triomphe marin, là aussi, une scène à part entière entre les personnages terrestres et marins offrant le meilleur de la mer pour le banquet qui se déroule.
Ce tableau représente l’archange Gabriel annonçant à la Vierge Marie sa future maternité divine, tandis que la colombe du Saint Esprit descend en piqué vers elle. La scène se déroule à l’intérieur d’une chambre couverte par un plafond à caissons, et devant une fenêtre croisée aux volets ouverts par laquelle se voit une large vue lacustre entourée par des montagnes et un relief rocheux. L’inscription qui relie la bouche de l’archange au visage de la Vierge (“AVE GRACIA PLENA DOMINUS TECUM BENEDICTA TU IN MULIERIBUS” ) reproduit le début de la prière mariale.
Inconnu jusqu’à présent, ce tableau est un ajout important au catalogue du peintre niçois Louis Brea, dont il constitue un exemple caractéristique et de très belle qualité de la maturité artistique. Cette même mesure du style, qui repose une hybridation originale du langage des peintres du nord œuvrant en Provence (Enguerrand Quarton, Josse Lieferinxe) et du classicisme italien (le Pérugin et les artistes lombards établis en Ligurie), réapparaît dans un certain nombre d’œuvres documentées du peintre. C’est le cas notamment de la Crucifixion de l’église de Notre-Dame de l’Assomption à Cimiez (Nice), signée et datée de 1512 (C.L.Schwock, Louis Bréa. Ca 1450-ca. 1523, Paris 2005, pp. 142-143, cat. P. 11 ; A. De Floriani, Francia-Italia-Francia : il percorso di Ludovico Brea alla ricerca di una sintesi possibile, in L’Ascensione di Ludovico Brea, a cura di G.Zanelli, Genova 2012, pp. 39-41, fig.23) où le peintre intègre avec sobriété et élégance les figures dans un espace unifié et profond. Ou encore comme dans la Vierge du rosaire de l’église de Notre-Dame de la Miséricorde à Taggia (Imperia), 1512-1513 (De Floriani, ibidem), où le trône de la Vierge est placé sur un sol en damier analogue à celui de l’Annonciation. En outre le visage légèrement tourné vers le haut de sainte Catherine, qui dans le retable de Taggia flanque à droite Marie, est pratiquement identique à celui de la Vierge de cette Annonciation.
Enfin, une autre version du même thème, avec un environnement architectural similaire à celui-ci, se trouvait autrefois chez le marchand Salocchi à Florence (C.L.Schwok 2005, p. 172 cat. P. 42 : bois, 115 x 90 cm ca) ; Gianluca Zanelli (“Le cui tavole esposte ne sacri Tempij riuscirono di non poco ornamento alla nostra Città”. Ludovico Brea e Genova, in L’Ascensione di Ludovico Brea, a cura di G.Zanelli, Genova 2012 p. 91) a proposé de reconnaître dans ce dernier exemplaire la section centrale d’un retable commandé le 1 avril 1513 au peintre niçois par la Conférie du Corpus Christi et de la Vierge, dont le siège était à l’intérieur de la Commenda de San Giovanni di Près, à Gênes (le document de la commande a été publié par Federigo Alizeri, Notizie dei professori del disegno in Liguria dalle origini al secolo XVI, II, Genova 1873, pp. 326-328). Selon le document, le retable génois incluait à côté du panneau central avec l’Annonciation, les figures des saints Nicolas de Tolentino et de la Madeleine ; il était couronné par l’image du Corpus Christi et complété en bas par une prédelle avec des scènes de la Vie de la Vierge. Les dimensions relativement modestes du tableau autrefois chez Salocchi rendent l’hypothèse de Zanelli fragile. Il est beaucoup plus probable que l’Annonciation présentée dans cette vente, dont la hauteur a été sensiblement réduite en coupant le panneau original en haut et en bas, soit à reconnaître avec la partie principale di retable commandé à Louis Bréa en 1513 : la parfaite coïncidence du style du tableau et de la date de la commande, et le sujet de celle-ci semblent le confirmer.
Nous remercions le prof. Mauro Natale pour son assistance dans la rédaction de cette notice
Esaias I Van de Velde (1587/91-c.1630), Paysage d'hiver avec patineurs, huile sur panneau, signée et datée 1619, 25x40 cm
Provenance: Acquis Aimé Martinet (1879-1963) Genève avant 1950 puis transmis par héritage jusqu'aux actuels propriétairesDépassant certains avis divergents ne paraissant pas suffisamment aboutis, notre examen de visu de l’oeuvre et nos recherches approfondies soutiennent - ainsi que le développe la présente notice - notre position quant à l’attribution de cette œuvre monogrammée à Peeter Baltens.
Image puissante, le thème de la Tour de Babel comme allégorie de l’hybris de l’humanité a été exploité à très large échelle dans la peinture flamande, dès le second quart du XVIe s., avec une floraison particulièrement abondante de représentations au cours de la seconde moitié et encore durant le premier quart du XVIIe s., dans un environnement religieux et politique troublé, théâtre de l’avancée du protestantisme d’une part, et de la guerre de sécession des Pays-Bas contre la Couronne d’Espagne, d’autre part (1555-1648).
Dans le contexte flamand, la Tour de Babel image l’orgueil de l’Eglise de Rome régentant les peuples et les exploitant pour sa propre gloire. En effet, la construction de la nouvelle basilique St-Pierre, débutée vers 1450 pour se terminer en 1626, battait alors son plein, engouffrant des sommes d’argent colossales provenant de toutes les parties du monde.
Peeter Baltens, dont Karel Van Mander (op. cit.) indique qu’il a voyagé dans de nombreux pays, avait probablement fait le voyage de Rome. Il fut certainement frappé par les vestiges de la Rome antique, comme le montre sa gravure intitulée Ruyne (fig. 1, de la série de 6 du Theatrum Vitae Humanae), mais aussi par le colossal chantier de la basilique Saint-Pierre, ressemblant lui-même étrangement aux ruines antiques comme en témoignent le dessin de Martin van Heemskerk (ca 1536, fig. 2) et le dessin anonyme (fig. 3) illustrés ci-dessous et ci-contre. Il est significatif de confronter l’oeuvre de Baltens avec les vues des ruines antiques (par exemple, fig. 4, la gravure de Hieronymus Cock, représentant le Colisée, 1551) et celles du chantier de St-Pierre, pour comprendre comment le Maître conçut sa représentation de la Tour de Babel, visage à la fois du Colisée en ruines et du dôme de la nouvelle basilique s’élevant témérairement au-dessus de la Ville éternelle (fig. 5, Ambrogio Brambilla, Speculum Romanae Magnificentiae, 1581-86, et fig. 6, fresque dans l’appartement de Jules II, 2e moitié XVIe s.). Il est aussi particulièrement frappant de comparer la Babel de Baltens avec la scène de fresque représentant Paul III supervisant le chantier de St-Pierre que Giorgio Vasari peignit en 1546-7 dans la Sala dei Cento Giorni du Palais de la Chancellerie à Rome (fig. 7, illustrée page suivante). On y voit sur la gauche le pape et sa suite examinant les plans de la nouvelle basilique s’édifiant en position centrale, au deuxième plan. Sur la droite, des tailleurs de pierre à l’ouvrage, un fût de colonne, et, au premier plan, le Tibre protégeant les regalia papaux, parmi lesquels l’umbraculum pourpre, dont l’usage avait récemment été protocolé par Alexandre VI Borgia. Les parallèles avec le tableau de Baltens sont nombreux, faisant du roi Nimrod sous son dais pourpre, l’image du pape de Rome, et de la Tour de Babel, celle de l’orgueilleuse et colossale nouvelle basilique romaine.
Notre tableau paraît typique à plus d’un titre du travail de Peeter Baltens. La composition, comme la plupart de celles de Baltens, s’articule le long d’une ligne de fuite commençant sur le côté inférieur gauche du tableau pour s’estomper dans le haut du tableau, à droite. On retrouve par exemple ce schéma dans l’Ecce Homo (Musée royal des beaux-arts, Anvers, inv. n° 869), ou dans la Représentation de la farce «Een Cluyte van Plaeyerwater» à une kermesse flamande (fig. 8, Rijksmuseum, inv. n° A2554). Un autre topos cher à Baltens est la scansion de la composition par de nombreux personnages habillés de rouge. L’imposant format du panneau est également un des préférés de Baltens. Les figures, bien qu’ici de moindre importance que dans ses autres compositions, sont aussi très similaires à celles rencontrées dans des tableaux attestés du maître anversois. Ainsi, la figure de Nimrod est extrêmement semblable, jusque dans les détails de l’habillement, à celle de Pilate dans l’Ecce Homo du Musée d’Anvers. Les visages plutôt ronds, et les nez plutôt forts, se retrouvent aussi dans de nombreuses autres peintures et gravures de l’artiste.
Notre tableau a vraisemblablement frappé les contemporains de Baltens, puis d’autres artistes comme les familles Valckenborch ou Van Cleve. En effet, on compte de très nombreuses peintures datant de la seconde moitié du XVIe s. et du début du XVIIe s. qui semblent avoir été inspirées de la composition de Baltens. La plus importante est bien entendu la Tour de Babel que Pieter I Bruegel peignit en 1563 (fig. 9, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. n° GG1026). Si la qualité picturale bruegelienne est indéniablement supérieure à celle de son aîné, la composition est néanmoins affaiblie, de la même manière que dans le Portement de Croix (1564, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. n° GG1025) qui s’inspire directement du tableau de même sujet de Baltens (cf. vente Sotheby’s, 7.7.2007, lot n° 7). En effet, ici comme là, la ligne directrice oblique traversant toute la composition, typique de Baltens, est abandonnée au profit d’une succession horizontale des plans. On remarquera également que dans la version de Bruegel, plusieurs détails iconographiques d’importance ont disparu, tel l’umbraculum ou la cabane de bergers, ou encore la briqueterie fumante, réminiscence de la rotonde vaticane aujourd’hui détruite, détails que l’on retrouve pourtant dans des versions de Marten Van Valckenborch (fig. 10) ou de Hendrick III Van Cleve. Une série importante de représentations semblent en effet dérivées du tableau de Pieter Baltens pendant toute la seconde moitié du XVIe s. Il contribuerait à établir la personnalité artistique de Baltens comme un génie de la composition dont l’inventivité aurait durablement influencé la production picturale flamande des XVIe et XVIIe s. À ce titre, nous pensons que ce tableau peut être considéré comme une oeuvre-clé dans la production flamande de l’époque.
Bibliographie: J.T. Spike, Mattia Preti. Catalogo ragionato dei dipinti, Florence, 1999, p. 394, n. 404
Nous sommes reconnaissants au prof. Riccardo Lattuada d’avoir confirmé l’attribution de cette oeuvre à Mattia Preti, après examen de visu de la peinture.
En 1999, John T. Spike rapportait que “Cette importante composition a été attribuée à Preti par Federico Zeri sur la base d’informations reçues de la galerie [Gismondi] en 1986. La surface peinte semble inhabituellement lisse et légère, et le tableau ne peut être jugé sur la base d’une photographie. Un inventaire de la collection de Geronimo Ferdinando Alarcon de Mendoza, marquis della Valle Siciliana, Naples, 13 janvier 1703, liste quatre peintures de la main de Preti (probablement la série de Liverpool) et “un altro di 7 x 9 istoriato li cinque sensi del corpo che viene dal Cavalier Mattia” (Labrot 1992, p. 223)”. Dans la fiche de la Fototeca Zeri est mentionnée l’existence d’une note autographe de Federico Zeri, à la plume, au dos de la photographie en noir et blanc: “Mattia Preti / copy or shop”.
Le tableau, réapparu à l’occasion de la présente vente, se confirme être une oeuvre autographe de Mattia Preti, probablement exécutée pendant la cinquième décennie du XVIIe s., quand l’artiste calabrais commençait à distinguer nettement sa propre recherche formelle de celle de son frère Gregorio. Pour la plus grande partie des figures, il est en effet possible de repérer des parallèles dans le répertoire des oeuvres de jeunesse de Mattia. Par exemple, le garçon qui hume le bouquet de fleurs (l’odorat) se base sur le même dessin utilisé pour le jeune chanteur du Concert à trois figures (ill. ci-contre, collection privée, à propos duquel, p. ex. A. D’Amico, in V. Sgarbi (a cura di), Mattia Preti, Soveria Mannelli, 2013, pp. 72-73, n. 10, avec bibliographie précédente). Les types physiques ainsi que la conception des autres figures sont récurrents dans la production de jeunesse de Preti. Dans cette ambitieuse composition, Preti élabore un thème typique du caravagisme sous l’angle d’une auberge d’extérieur – d’ailleurs déjà expérimenté dans des oeuvres de collaboration avec son frère Gregorio, comme celle conservée à l’Accademia Albertina de Turin – mais il montre ici une sensibilité déjà baroque par l’expansion en profondeur de l’espace figuratif, dans le refus de l’encombrement de la composition typique des interprétations caravagesques des Cinq Sens, et dans l’adoption d’une matière picturale plus fine, étendue en touches plus rapides (pour les débuts de Mattia Preti dans l’atelier de son frère cf. Mattia Preti, un giovane nella Roma dopo Caravaggio, a cura di G. Leone, Soveria Mannelli, 2015).
Le format et les dimensions de la toile incitent à retenir que celle-ci était destinée à une galerie de tableaux, tel qu’indiqué indirectement aussi par la possible provenance de la collection du marquis Alarcon de Mendoza.
Le présent tableau, présenté aux enchères en 1985 avec une attribution à l’entourage de Matthias Stomer, a été publié dans les deux éditions du répertoire de Benedict Nicolson sur le Caravagisme en Europe. Dans la première, il était considéré comme objet d’une “attribution erronée”, alors que dans la seconde, il a été reproduit comme “entourage de Matthias Stomer”, tout en portant, dans le corps du texte, la mention “attribution non convaincante”. Nicolson, décédé en 1978, n’a pas pu voir la peinture lors de son passage aux enchères en 1985, et il n’est pas du tout clair s’il a pu l’examiner de visu, ou, comme c’est probable, seulement grâce à des photos en noir et blanc.
Nous sommes reconnaissants au prof. Riccardo Lattuada pour avoir confirmé l’attribution à Matthias Stom après examen de visu du tableau.
Nous sommes également reconnaissants à Marrigje Rikken (Curator, Dutch and Flemish Old Master Painting, Collections & Research, RKD, Netherlands Institute for Art History), qui, sur la base de photographies digitales haute définition, a confirmé l’attribution à Stom (lettre du 16.01.2016) et nous a indiqué la provenance de la vente Christie’s de 1985.
Elève de Gerrit Honthorst à Utrecht, Stomer est documenté à Rome entre 1630 et 1633, où il est arrivé probablement déjà mature, et déjà au courant de la révolution caravagesque dont son maître Honthorst était un représentant de premier plan. Par la suite, il se transferrera à Naples, où il est documenté de 1633 à 1638, pour finalement rejoindre la Sicile, aux environs de 1640, où il restera jusqu’à sa mort, vers 1652 (pour un essai de catalogue de Stomer, cf. B. Nicolson, Caravaggism in Europe, cit., ad vocem, I, pp. 179-188; III, figg. 1460-1563; pour l’activité de l’artiste à Naples cf. G. Porzio, La scuola di Ribera, Napoli, 2014, pp. 126-128; figg. 62, 68, 69, 71, 72, 74-76, 79, 83; pour la période sicilienne cf. au moins A. Zalapì – S. Caramanna, Matthias Stom, un caravaggesco nella collezione Villafranca di Palermo, Palermo, 2010, avec la bibliographie précédente).
Le tableau, qui se présente dans un très bon état de conservation, propre à permettre une parfaite lecture des intentions de l’artiste, montre une exécution au dessin extrêmement précis dans les formes du premier plan, avec un déploiement de couleurs brillantes pour les habits et un rendu très efficace des carnations bronzées. Quelques endroits semblent avoir été laissés à un stade encore ébauché dans la partie gauche du fond, ainsi que pour certains détails mineurs des figures du second plan et de la chevelure du marchand assis à gauche.
Le tableau montre une pleine compréhension de la tendance artistique inaugurée par le Caravage. La figure du marchand qui tient un volatile dans la main gauche est saisie dans un geste de surprise, le coude droit levé, sur le point de se lever. Sa posture, avec la main gauche s’appuyant sur l’accoudoir de son siège, est un hommage évident à la figure de l’apôtre de gauche dans le Souper à Emmaüs du Caravage (fig. 1, Londres, National Gallery, inv. n° NG172). Le geste du Christ, sur le point de fouetter l’assemblée, posant sa main droite sur l’épaule gauche, est une réminiscence du même détail dans la célèbre gravure d’Albrecht Dürer (fig. 2, Le Christ chassant les marchands du Temple, du cycle de la Petite Passion). On retrouve ce geste presque identique dans les oeuvres de représentants de la première vague caravagesque comme Cecco del Caravaggio (fig. 3, Francesco Boneri, dit Cecco del Caravaggio, Le Christ chassant les marchands du Temple, Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie) et Dirck van Baburen (fig. 4, Le Christ chassant les marchands du Temple, Royaume-Uni, Schorr Collection).
La palette aigüe et le ton clair du fond démentent que l’habileté de Stomer ait été limitée à la peinture à la lumière artificielle des chandelles. Notre peinture est située dans un espace plutôt bien éclairé, à tel point que l’artiste ne recourt à aucune source de lumière artificielle pour définir la scène. Des solutions analogues se rencontrent dans les oeuvres de la période romaine de Stomer, comme les Evangélistes Marc et Luc (ca 1635, à l’époque à Londres, Trafalgar Galleries), qui fait pendant aux Evangélistes Matthieu et Jean (New York, Columbia University). La forte concentration des figures dans l’espace figuratif du tableau nous pousse à le dater pendant le séjour de Stomer à Rome (1630- 1633), période au cours de laquelle le peintre d’Amersfoort absorbe d’une manière plus évidente l’influence du Caravagisme visible à Rome.